L’industrie textile serait la deuxième industrie la plus polluante dans le monde, juste après celle du pétrole. Derrière ce constat aujourd’hui répandu dans les esprits, il est cependant difficile de trouver un chiffre fiable et unique. Selon les études, cela varie fortement entre 3 et 10% des émissions de CO2 mondiales.
Mais finalement, le chiffre exact ou le classement importe peu : 3%, c’est déjà trop. Et c’est cela dont il faut rendre compte et comprendre. Arriver à appréhender à notre échelle de consommateurs l’ordre de grandeur que représente ce chiffre, et avoir une idée générale des mécanismes de cette industrie décriée, mais tellement ancrée dans notre vie quotidienne. Pour mieux agir. Le rapport de la fondation Ellen MacArthur A new textiles economy : Redesigning fashion’s future indique ainsi le chiffre de 1.2 milliards de tonnes équivalent CO2, soit plus que l’ensemble des émissions du transport maritime et aérien international combinés. CQFD : c’est trop !
Qu’est-ce que ça veut dire au juste, l’impact environnemental ?
Lorsqu’on parle d’impact environnemental, il faut déjà comprendre ce que l’on y mesure : la plupart des résultats et chiffres que nous lisons à ce sujet concernent surtout l’empreinte carbone du produit : on considère en effet aujourd’hui que l’émission de gaz à effet de serre est la principale source qui modifie le fonctionnement de notre environnement et de notre planète. L’empreinte carbone, donnée en kg équivalent de CO2, est ainsi la quantité de gaz à effet de serre rejeté par le système étudié.
Mais de nombreux autres facteurs peuvent être étudiés : la consommation en eau douce ou apportée par l’homme, l’énergie utilisée provenant de ressources fossiles, le déséquilibre des milieux aquatiques suite aux rejets toxiques (eutrophisation), l’impact toxicologique chez l’humain etc…
Tous ces aspects réunis constituent l’impact environnemental.
Pourquoi l’industrie textile est-elle polluante, presque par nature ?
Le dernier rapport de la fondation Ellen Mc Arthur sorti fin 2017 jette un éclairage sans concession sur l’industrie textile aujourd’hui : de l’extraction de ressources non-renouvelables, à l’enfouissement ou incinération sans recyclage, en passant par un nombre important de lavages lors de l’usage, chaque étape est très polluante.
Mais ce n’est pas tout. L’industrie textile fonctionne de manière très linéaire (je produis – je consomme – je jette), ce qui génère également beaucoup de déchets à fort impact, et ceux-ci s’accumulent…
Une production quasi exclusivement à partir de nouveaux matériaux, qui finit pour les 3/4 en décharge ou incinérée.
Ellen MacArthur Foundation, A new textiles economy: Redesigning fashion’s future
Ainsi, 73% de la matière première fini en décharge ou incinéré selon cette étude, et seulement 13% des matières utilisées pour produire des vêtements sont recyclés en fin de vie…
Autre exemple en France :
- Il se vend près de 9.2 kg / habitant / an de vêtements
- Seulement 3.2 kg / habitant / an sont collectés.
Mais comment détermine-t-on l’impact environnemental d’un objet ?
Impossible de passer ici à côté de la LCA : Life Cycle Analysis (ou ACV – Analyse de Cycle de Vie en français). Cette méthode consiste à mesurer l’impact environnemental d’un produit (émission équivalent CO2, consommation d’énergie, d’eau…) durant l’intégralité de son cycle de vie : extraction et traitement des matières premières, fabrication, utilisation et fin de vie (décharge, recyclage…).
L’identification des différentes étapes et ses frontières entrant en jeu dans la vie du produit que l’on veut étudier est donc cruciale mais n’est pas science exacte, et est très complexe : il faut ainsi pour chaque étape lister les composants, calculer leurs émissions individuelles etc… puis regarder les flux, échanges entre chaque phase pour enfin arriver à une estimation globale.
Dans le textile, une analyse de cycle de vie commence donc à la production/extraction des matières premières (coton, polyester…). Elle englobe ensuite les phases de production du vêtement, son usage, et sa fin de vie. Les différents points à retenir sur ces différentes étapes sont :
- Matières premières : culture des fibres naturelles, récolte, et emballage. Pour les fibres synthétiques, extraction du pétrole et transformations pour arriver jusqu’au fil.
- Fabrication : confection du tissu, fabrication du vêtement textile, avec prise en compte du transport entre chaque étape, ainsi que les déchets générés
- Distribution : packaging des produits, transport jusqu’au lieu de vente, consommation en énergie des points de vente
- Usage : nombre de cycles de lavage, séchage et repassage etc…
- Fin de vie : incinération ou recyclage, transport associé
Les flux dans l’industrie textile, de façon schématique !
Ellen MacArthur Foundation, A new textiles economy: Redesigning fashion’s future
Heureusement, des bases de données standardisées (qui contiennent les informations sur le comportement de la plupart des composants, matières connues) et des logiciels spécialisés existent pour modéliser plus facilement toutes ces interactions et chiffrer les impacts.
La marche à suivre (processus) et cadre complets d’une analyse de cycle de vie sont aujourd’hui standardisés et décrits par la norme ISO 14040.
Mais alors simplement : combien je pollue avec mon t-shirt ?
Après ces constatations sur l’industrie textile en général, prenons l’exemple du t-shirt pour essayer de comprendre les conséquences de ce fonctionnement, à notre niveau.
Le t-shirt est l’objet d’étude par excellence : vêtement textile « universel », il s’en vend près de 2 milliards de pièces par an sur la planète, et tout le monde ou presque en porte. Et pourtant… La vie d’un t-shirt depuis la culture ou l’extraction des matières premières est un cheminement tortueux et complexe.
C’est ce qu’a pu notamment constater Pietra Rivoli, lors de son périple pour suivre la vie d’un t-shirt, et ce qu’elle raconte dans Les aventures d’un tee-shirt dans l’économie globalisée (Fayard, 2017). De nombreuses études ont également été réalisées pour comprendre l’impact d’un t-shirt. Les chiffres varient suivant la matière (coton, polyester, …), le pays de fabrication, le nombre d’utilisations etc…
Mais pour un t-shirt « classique » en coton, pour arriver jusqu’au consommateur :
- L’empreinte carbone est d’environ 5 kg, soit près de 20 fois son propre poids, ce chiffre comprenant donc les étapes jusqu’à la mise en vente du produit. Avec l’usage et la fin de vie, on peut ainsi monter jusque plus de 10 kg !
- 3750 L d’eau auront été nécessaire, essentiellement pour la culture du coton, ce qui représente l’eau utilisée pour presque 25 bains
- Il aura parfois parcouru plus de 40 000 km : soit plus que le tour de la Terre.
Un exemple parmi d’autres donc ci-dessous, avec le parcours d’un t-shirt tel que Pietra Rivoli le décrit justement dans son livre.
Les diffférentes étapes sur une carte du monde : pour le détail, voir ci-dessous
Le coton est cultivé à Lubbock, une ville dans le Texas.
Le coton brut est d’abord acheminé au port de Long Beach en Californie par voie terrestre, avant d’être expédié par conteneur à Shanghai
A Shanghaï, le coton brut est traité puis transformé en fils. Cette étape peut aussi être réalisée dans d’autres pays comme l’Inde par exemple.
Dans cet exemple, le tissu et le t-shirt sont également confectionnés à Shanghai. Pour ce type de produit, les principaux autres ateliers de confection dans le monde sont situés en Chine, Inde, au Bangladesh et en Turquie.
Les conteneurs de t-shirt repartent de Shanghai pour revenir aux Etats-Unis, à Miami via le canal de Panama. Ils y sont imprimés puis mis en vente.
Une deuxième vie en occasion peut-être pour ce t-shirt, qui a en effet de fortes chances de terminer en Tanzanie par exemple ; les vêtements d’occasion sont le principal poste d’exportation des Etats-Unis vers la Tanzanie qui est aussi le 4e client pour ce type d’articles !
Chez GAYASKIN, nous essayons de tirer les leçons des ces constats, à petits pas, en adoptant une fonctionnement plus respectueux de l’environnement :
- Nous utilisons des tissus recyclés à base de bouteilles en plastique et filets de pêche
- Nos vêtements sont 100% made in Europe, du tissu à l’élastique, en passant par le zip ou l’étiquette de composition !
Et on vous explique tout ça avec transparence !
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merci!
Bonjour, le sujet m’interpelle énormément car je souhaite créer des vêtements d’enfants et objets textile à partir des vêtements jetés ainsi le recyclage n’utilisera pas de matières premières et cela s’inscrit complètement dans une économie circulaire. Vos avis m’intéresse !
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Merci, car cet article m’a bien aidé dans mon devoir et m’a énormément intéressé
Avec plaisir Aymeric ! Nous sommes ravis que ce genre d’article puisse intéresser (et servir pour les différents devoirs / mémoirs 😉 )
Cet article était très intéressant, et justement je cherchais des chiffres par rapport à ce sujet.
Il y a une solution aussi très simple: les vêtements de seconde main.
On peut en trouver à Emmaüs, dans les braderies, les friperies et il y a même des applications qui sont consacrées à cela (vinted, united wardrobe…)
Ces vêtements sont généralement à très bas prix (2€ le jean…) donc c’est réellement une bonne affaire!
Pour ma part, je n’ai pas acheté en magasin depuis à peu près 5-6 mois, si ce n’est un short que je ne trouvais pas et dont j’avais besoin, j’ai seulement acheté en friperies et en braderies donc je conseille à tout le monde de faire de même!
Merci beaucoup ! Effectivement, l’achat de seconde main (ou le troc entre amis 😉 ) est une des solutions efficaces pour réduire la production mondiale ! Pour ma part, j’alterne entre seconde main et achat neuf raisonné chez des marques éthiques si jamais je ne trouve pas mon bonheur ou que j’aime beaucoup une pièce. Le tout est de retrouver un rapport sain à la consommation et vraiment réfléchir à ses “acquisitions”. On a écrit un petit article là dessus, qui parle à la fois de la seconde main, de location et de reréfléchir à son comportement d’achat : https://www.gayaskin.fr/2018/05/15/6-facons-de-rendre-son-dressing-plus-eco-responsable/
Bonne journée ! 🙂
Et si simplement nous cessions de passer notre temps à mettre des vêtements?
Bien sûr, en ville, au boulot, il sera difficile de s’en passer. Mais avons-nous besoin de mettre des pyjamas ou chemises de nuit? Avons-nous besoin de mettre des maillots de bain?
Les gens qui vivent dans les pays chauds, ou l’été en vacances, avons-nous besoin de vêtements?
Evidemment, il faudrait casser des siècles de conditionnements, et ramener les vêtements à leur seule justification: tenir chaud, protéger.
Il faudrait abandonner la fonction “cacher le corps”, arrêter de considérer que la nudité n’est réservée qu’à l’acte sexuel, ou tout au plus à la baignade et à la bronzette.
Il y a quand même une révolution mentale et morale à faire. Mais déjà, on peut commencer par les pyjamas et nuisettes, par les maillots de bain, et ne garder l’obligation de vêtements que là où “ça ne se fait pas” d’aller en maillot de bain (même si ce n’est pas illégal, on ne voit personne faire ses courses au Monoprix en maillot de bain).
Il nous faut revenir à un mode de vie simplement plus naturel, ne garder des vêtements que lorsqu’il y a de bonnes raisons (climatiques, mais aussi sociales) d’en porter.
Bonjour, Maud j’aimerai beaucoup discuter avec de plusieurs sujet écologiques car je vois que vous êtes une personne réfléchissant à nos comportement et se dire qu’il faut peut être avoir une vie plus simple! Je me sens un peu seul parfois! Je ne sais pas comment se contacter!
Merci.
Seb.